Vivre et être humain. Telle est la tâche qui nous est donnée. Ordonnée. Mais comment? Comment sortir de l’osmose et accepter d’être seul? Comment faire semblant qu’on durera toujours et prendre part à la partie qui est jouée d’avance? Comment sourire et se lever et rester debout et résister, résister à l’appel de la terre, rester chaud et mouvant et vivant?
Leur vie ne tient qu’à un fil. Leurs os et leur peau : des brindilles et du papier. Le souffle de vie est imprévisible, subi. Leur existence : que du vent. Ils volent follement, sans contrôle, sans aller nulle part. Ils flottent et tournent quelques instants puis tombent et se brisent. Les
Il n’y a pas de liberté -quelqu’un me retient, me rappelle à la terre.
Il n’y a pas de sécurité -je ne suis qu’un fétu de papier au bout d’un fil qui peut se casser, retenu par un autre qui peut me lâcher.
Les yeux des cerfs-volants ne regardent pas. Les sourires des cerfs-volants ne sourient pas. Ils dérivent.
Ils me parlent de l’effroi de devenir humain. Réaliser qu’on n’a vraiment sa place ni en haut ni en bas, qu’on est fragile et sans contrôle, qu’à tout moment on peut tomber et qu’un jour on tombera. Alors on se colle un sourire de papier mâché et on se barbouille les yeux pour maquiller les larmes et la peur et la lassitude qui nous prennent alors, on étend les bras comme un condamné et on laisse la brise -ou la tempête- nous emmener en voyage. Pour oublier. Oublier ce que c’est que d’être humain. (‘Ne me lache-pas!’)
Ces cerfs-volants ont également le “vrai” goût de l’enfance qui est tout sauf l’innocente croisière que l’on se plait à croire. Ils mélangent sans tabou le rêve et le cauchemar, le jeu et l’angoisse, de toutes ces turbulences auxquelles on doit faire face avant même de savoir mettre des mots dessus (‘je suis là!’). Ils sont lancés comme des appels à l’humour et au jeu pour résister à la terreur et au désespoir. Fragiles mais colorés, chargés mais légers, les cerfs-volants ironisent. Ils ne sont pas ce qu’ils ont l’air d’être.
(Introduction written for artist Alain Ponçon on his work "Cerfs-Volants". Pictured "Fantômes" copyright Alain Ponçon)